Poème : Fernandel

Publié le par Seream

 

FERNANDEL

 

Depuis la cuisine ou depuis le bar on l’entendait arriver

Draps, torchons, serviettes, chemises, bricoles

C’était Fernandel qui arrivait

J’avais toujours un peu peur

Ma grand mère me menaçait toute l’année

Que Fernandel m’emporterait loin dans ses grosses males si je n’étais pas sage

Il portait une male énorme sur le dos et deux autres au bout des bras

Accompagné de son sourire il commerçait en marchant s’arrêtant sur les places et dans les bars

Il marchait de Bonne à Fillinges et jusqu’à Thonon

Il venait d’où, il allait où ?

Et avant et après ?

Il n’avait pas de chauffeur

Il passait exclusivement l’été

Il portait une blouse bleue comme celle du quincaillier d’à côté

Une casquette sur son crâne chauve, des lunettes au verre énorme

Il n’avait que quelques poils sur le visage

Sa peau était tannée comme celle des gens qui font la route

C’est vrai qu’il ressemblait à Fernandel, la même dentition,  avec une légère touche asiatique, quelques poils sur le visage, l’âge indéfinissable et le sourire réjouit

J’avais toujours un peu peur quand je me rapprochais pour examiner le contenu de ses males

Je me souviens qu’il parlait fort, son accent méditerranéen tirait sur le Portugais et en même temps qu’il évitait les railleries des clients du bar, il fouillait dans les profondeurs de ses males pour en retirer l’article souhaité

Il avait tout

ou

le rapportait l’année suivante

Il partait dans la joie emportant son sourire et ses grosses males de bois

Après son départ les gars au bar trouvaient normal de rire de lui

C’est normal de rire des nomades

Les gens qui font la route dans leur maison invisible intriguent effraient ou sont jalousés

Les gens qui tracent leur route

C’était Fernandel qui arrivait ou qui repartait

J’avais toujours un peu peur de me retrouver dans une de ses males

C’était une bouffée de bonne humeur, un événement, un rassemblement, un colporteur à l’âme itinérante

Un personnage, comme disaient les clients du bar

Et les personnages

Moi, j’adorais ça.

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